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#notallmen
Vraiment ?

Quand les femmes de notre collectif m’ont demandé d’écrire ce papier à l’occasion de cette journée internationale des droits des femmes, j’ai spontanément accepté. Puis je me suis rendu compte que c’était un exercice assez périlleux pour un homme. En effet, comment écrire sur le patriarcat, le combat féministe sans tomber dans ce travers classique, qui est de dire aux femmes – en tant qu’homme – comment elles doivent mener leur combat ?

Alors j’ai choisi une autre voie : parler de mon parcours en tant qu’homme se considérant féministe, ce que ce terme veut dire pour moi, et puis parler aux autres hommes, ceux qui, comme moi, sont nés du côté des oppresseurs, et malgré toute la bonne volonté de nos parents, ont été élevés – à un degré plus ou moins grand – comme tels. Oui, je t’entends toi dans le fond : « Comment ? Non mais moi je ne suis pas comme ça, je respecte les femmes, mes parents m’ont éduqué dans ce sens ! ». Attends la suite, petit impatient.

Pour moi, tout a vraiment commencé il n’y a pas si longtemps, en 2017, lorsque le mouvement #metoo a pris de l’ampleur. À travers les réseaux sociaux, j’ai lu de multiples témoignages de harcèlement « ordinaire », quotidien, de femmes inconnues et d’amies. Je ne veux pas prendre d’exemple en particulier, mais au fur et à mesure de la lecture de ces témoignages, un sentiment très désagréable a commencé à s’installer en moi. J’ai commencé à me rendre compte que ce mec, là, qui a ri ou surenchéri à une blague sexiste qui a mis mal à l’aise cette femme, ou cet autre homme qui n’a pas réagi alors qu’un ami humiliait sa copine devant ses potes, ça aurait pu être moi. Peut-être n’aurais-je pas réagi autrement.

Alors j’ai arrêté de penser comme toi, là, dans le fond, que moi « je n’étais pas comme ça », que “tous les hommes ne sont pas comme ca”. Si, nous sommes tous « comme ça ». Ce n’est pas vraiment de notre faute, puisque nous avons tous été élevés de la sorte, à des degrés divers. C’est la société capitaliste associée au patriarcat qui en est responsable, pas nous. En revanche, et grâce aux féministes, nous avons maintenant toutes les cartes en mains pour conscientiser ce phénomène, et c’est le nier qui devient impardonnable.

Ceci posé, que faire ? Beaucoup d’hommes se rendent compte du problème systémique, et veulent faire « quelque chose ». Je me rappelle d’un petit dessin vu sur le net. Un dessinateur à sa table de travail, un pinceau à la main, demande à sa femme : « Je voudrais faire quelque chose pour le féminisme. Tu as une idée ? » et sa femme de répondre « Oui, tu peux faire la vaisselle ».

Avant d’essayer de faire évoluer le monde, il faut évoluer soi-même, et pour cela, il faut vraiment vouloir comprendre le problème.

Arrête de croire que tu sais, et écoute.

C’est la première barrière, peut-être la plus compliquée à franchir. Si nous, hommes, voulons comprendre, il faut sortir de la forme d’un débat classique : « je pense que le patriarcat n’existe pas ou n’est pas comme toi, femme, tu le conçois, et je vais écouter tes arguments pour les opposer aux miens. »

Si nous voulons vraiment comprendre, il faut déjà fermer sa gueule. Oui hein, c’est violent, mais ce n’est pas compliqué. C’est un énorme travers de la société patriarcale : nous les hommes sommes plus habitués à être écoutés qu’à prêter attention au propos d’une femme plus de 5 minutes sans intervenir (et encore, 5 minutes, je suis généreux).

Donc avec ton scotch sur la bouche, ouvre tes esgourdes. Dis-toi que tu ne sais rien, et écoute comme si c’était une conférence d’introduction à la physique quantique, ou n’importe quel domaine qui t’est totalement étranger. Et puis dis-toi une chose : un sentiment est toujours réel et justifié. Si une femme se sent oppressée par tel comportement ou telle parole, c’est ce comportement ou cette parole qui est problématique, ce n’est pas la femme qui « a mal interprété ».

Si tu y arrives, la voie du féminisme s’ouvre à toi !

Bien des hommes disent ne pas trouver leur place dans ce combat. Alors oui, le féminisme comporte bien des ramifications, et parmi ces mouvements, certains sont ouvertement misandres. Ces femmes veulent mener leur combat seules et contre les hommes car selon moi elles confondent hommes et patriarcat, mais elles veulent leur revanche, et ma foi je ne peux pas le leur reprocher, et encore moins les juger. Si elles ne veulent pas de nous, ça ne veut pas dire que d’autres mouvements ne nous accueillent pas avec plaisir, sous certaines conditions. Et la toute première, je l’ai décrite dans les paragraphes précédents.

C’est la partie de mon parcours que j’ai paradoxalement trouvée la plus facile : trouver ma place. Si on écoute, on comprend vite, car la problématique est simple. À partir de là, il est très facile de rejoindre ce combat, qui n’a rien d’un combat des femmes contre les hommes, mais de l’humanité contre le patriarcat. En écoutant, on comprend aussi très vite que le patriarcat, qui n’est rien d’autre qu’un système déterminant le rôle des femmes et des hommes, empêche les deux sexes de s’épanouir. Alors oui, il est infiniment plus facile de naître homme dans ce système. Mais reconnaître qu’en imposant aux femmes un certain rôle à tenir, il nous impose de facto les autres rôles, ça ne peut que renforcer notre motivation à en finir avec lui.

Utilise le patriarcat contre lui-même

Il serait peut-être temps pour moi de définir ce dont je parle depuis le début de mon papier : le féminisme et le patriarcat.

Le féminisme, en fait, se résume en une seule phrase : c’est le combat pour la fin du patriarcat. On pourra remarquer une chose dans cette définition : il n’y a pas de condition de sexe pour être féministe.

Tout réside dans la définition du mot patriarcat. Selon le Larousse, c’est une « forme d’organisation sociale dans laquelle l’homme exerce le pouvoir dans le domaine politique, économique, religieux, ou détient le rôle dominant au sein de la famille, par rapport à la femme ». Alors dit comme ça, en tant qu’homme, on se demande bien pourquoi on serait contre ! Mais d’une part, voulons-nous tous le pouvoir ? Quels désavantages aurait-on à le partager ? Et d’autre part, qu’est-ce-que cela implique pour nous de détenir ce « pouvoir » ?

J’avais envie de m’attarder sur cette dernière question, car je m’adresse toujours à toi là dans le fond, petit homme. Qu’est-ce-que qu’une société où 98% des viols sont commis par des hommes sur des femmes, et où dans le même temps les hommes se suicident deux à trois fois plus que les femmes ? N’est-elle pas malade et nocive pour nous tou.te.s ? En tant qu’homme, je voudrais qu’il soit socialement accepté que je pleure, que je sois vulnérable, que je puisse être « sage-femme » ou puériculteur, ou que mes fils jouent à la poupée s’ils en ont envie. Je voudrais pouvoir rester à la maison m’occuper de mes enfants si tel est mon souhait, pendant que ma femme gagne de l’argent pour notre foyer en tant que pilote de ligne ou cheffe d’orchestre. Toutes ces choses que le patriarcat interdit socialement.

Non, arrête de dire que je peux si je veux. Si je m’engage dans cette voie, je serai soumis aux jugements quotidiens, qui même positifs, seront des jugements, je serai anormal. Et je ne parle pas de ma femme, à qui on va reprocher d’abandonner ses enfants ou de faire « un métier d’homme ».

Alors elle est là, ta place dans ce combat : puisque malgré toi, le patriarcat t’a donné « le pouvoir », tu peux en user pour oeuvrer à sa destruction. Puisque trop d’hommes et de femmes n’écoutent pas les femmes, use de ta voix d’homme pour porter celle des femmes. Tiens-toi aux côtés des femmes, et utilise ton avantage de mâle pour en convaincre d’autres. Mais attention : si c’est un combat commun, garde à l’esprit que celles qui le mènent, ce sont les oppressées. Ne t’avise pas de recommencer à leur dire comment elles doivent se battre.

Jean-Baptiste Schwebel

2 commentaires sur “#notallmen Vraiment ?”

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